Je te laisse donc me dicter sans savoir où cette écriture nous mène.
Notre fils a 21 ans aujourd’hui. Sa naissance nous ressemble, une véritable expérience d’exploit physique, presque sportif. Si une fédération existait, avec une compétition, nous aurions sûrement obtenu une médaille.
Il était solide, plus de 4kg et tu étais si menue. Ce fut très rude mais il est arrivé et malgré la souffrance et la pénibilité de sa venue au monde, tu ne lui en as pas tenu rigueur et tu l’as aimé immédiatement.
Sophie sa sœur était aussi ravie que nous. Elle s’est occupée de lui aussitôt comme une grande sœur responsable malgré son peu d’expérience, elle n’avait pas trois ans.
Nous nous sommes régalés tous les quatre, ‘’éclatés’’ pourrions nous dire en langage de plein air. Nous avons artificiellement agrandi tous les ans notre famille en encadrant tous les deux, aidés par de supers monos, le centre aéré de notre village. Tous les étés furent des occasions uniques et merveilleuses d’aventures en groupes et de relations privilégiées. Les enfants qui ont partagé ces mois de vacances témoignent par leurs souvenirs des moments magiques que nous avons vécus ensemble.
La vie nous a réservé des moments de bonheur formidables. Tu nous aimais sans compter, tu nous soignais, tu nous entourais de ton attention permanente. Nous réalisions la chance que cela représentait mais pour ma part je profitais de ce confort affectif et matériel sans me poser de question, sans penser que le bonheur se mérite, sans penser qu’il était en grande partie dépendant de ta générosité, de ta constance, de ton dévouement.
Je n’ai pas su ce que je risquais à ne pas défendre corps et bien ce bonheur. Je n’ai pas su le placer au-dessus de toute convoitise. J’étais gourmand, j’étais fou, je n’ai pas su protéger ma famille de mes envies ridicules.
Quand des tentations se sont présentées, je me suis cru plus malin que tout autre. Une première expérience m’a mis en confiance, je pouvais te tromper sans que cela se sache et donc sans te faire de mal. Je ne risquais pas de te perdre, tu n’en saurais jamais rien.
D’une première je suis passé à une autre et ainsi de suite. Prenant de plus en plus confiance, je pouvais me divertir sans nécessité véritable car tu étais une femme, une amie et une maîtresse hors pair. J’avais juste ainsi le moyen de satisfaire mon égo : j’étais capable de séduire et je m’en trouvais flatté.
(Ça va ma puce ? Surprise mais efficace, comme toujours tu t’adaptes ! Merci ma chérie je ne sais pas comment exprimer mon admiration et ma reconnaissance. Je sais à quel point tu es décontenancée par ce que je te dicte et à quoi tu ne t’attendais pas. S’il te plait ma chérie si tu veux bien on continue.)
Mon égoïsme évident nous amenait à ne faire la plupart de nos choix qu’en fonction de mes envies. Je t’aimais vraiment mais sans me soucier de tes propres aspirations. Nous avons donc suivi un rythme effréné durant toute notre vie commune. Je ne te laissais que rarement l’occasion de souffler entre toutes nos activités. Les sorties en tout genre, du moment qu’une activité physique en était l’objectif, s’enchaînaient les unes aux autres : vélo, planche, ski et j’en passe. Tu remplissais avec moi le camping-car pour le vider du linge sale quelques jours après et le préparer pour le week-end suivant. Les couches, les conserves, les devoirs de classe rien n’était oublié, jamais rien, même pas ton travail que tu as toujours fait respectueusement, consciencieusement. Je me demande maintenant comment tu as pu être aussi performante partout tout le temps.
Après des années de vie commune magnifiques, après plus de vingt ans, la punition est tombée. Ce terme te surprend ma chérie mais il a un sens réel, Christian ne s’y est pas trompé.
J’ai voulu séduire encore, ma fonction s’y prêtait : maître nageur !
La fille n’était pas mal, l’âme en peine, et tu étais si confiante. Ce fut facile de replonger mais il faut croire que malgré mes talents subaquatiques, j’aurais dû rester au sec !
Elle avait en plus de ses atouts des armes que je ne connaissais pas, que je ne maîtrisais pas. Je t’ai quitté toi et nos enfants sur ce que j’ai cru être un coup de foudre : un coup de tête. En trois semaines tout était décidé ; vite fait comme la plupart de tout ce que j’entreprenais, sans réflexion et croyant tout contrôler comme à mon habitude. Imbu de mes talents d’acrobate, je me croyais capable d’entreprendre une vie nouvelle dans une autre famille, sans pour autant détruire ce qui nous unissait, mes enfants et moi, même toi et moi. Je pensais que les enfants comprendraient, que tu resterais mon amie, ma confidente. Je pensais à l’envers mais surtout je pensais que j’étais maître de mes sentiments et de ce que je croyais ressentir pour elle.
Tu as été magnifique, incroyable. Dans ton combat pour survivre à cette folie, tu ne m’as jamais exclu, tu as continué à croire en moi et en nous. Tu as toujours su que « ce n’était pas possible » que je me trompais, que je le réaliserais bientôt.
J’ai bien senti que quelque chose ne tournait pas rond.
J’ai suivi de loin ton évolution. Les idées nouvelles saugrenues qu’il t’arrivait de m’exposer me paraissaient liées à ton état dépressif. J’avais beau ressentir moi aussi de curieuses sensations comme la présence du défunt mari de ma belle, je ne voulais en aucune façon adhérer à tes hypothèses farfelues.
Ma place était prés de toi et de nos enfants, je le savais, je le sentais, je le voulais et malgré cela quelque chose de difficilement explicable me maintenait chez elle. Je me sentais lié, enchaîné. Je persistais à croire que la décision venait de moi. Je refusais d’admettre que la manipulation que tu avais évoquée pouvait exister et que, de surcroît, je ne sois pas capable d’y faire face.
Tu as eu le courage de me dire quelles étaient les impensables découvertes que tu faisais. Tu savais quelles seraient mes réactions par rapport à ce que je prenais pour des conneries. Tu as dû tenir tête à mes remarques sarcastiques. Pour mon bien et pour nous sauver, tu as malgré tout eu le courage de tout dire...
© Françoise Delpon – Tous droits réservés